La Commission d’accès à l’information du Québec (la « CAI » ou la « Commission ») a récemment présenté son mémoire sur le projet de loi no 3, Loi sur les renseignements de santé et de services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives (le « projet de loi no 3 »), à l’Assemblée nationale du Québec. Le projet de loi no 3 vise à créer un cadre unifié de protection des renseignements de santé et de services sociaux s’appliquant tant au secteur public qu’au secteur privé.
Il convient de souligner que le Québec n’a pas encore adopté de loi portant précisément sur la protection des renseignements personnels en matière de santé. Par conséquent, la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels en matière de santé sont actuellement régies par deux lois provinciales, à savoir la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (collectivement les « lois sur la protection des renseignements personnels du Québec »).
Renseignements de santé et de services sociaux
Le projet de loi no 3 définit les renseignements de santé et de services sociaux comme tout renseignement qui permet, directement ou indirectement, d’identifier une personne et qui répond à l’une des caractéristiques suivantes :
- il concerne l’état de santé physique ou mentale de la personne et ses déterminants de santé, y compris ses antécédents médicaux ou familiaux;
- il concerne tout matériel prélevé sur la personne dans le cadre d’une évaluation ou d’un traitement, incluant le matériel biologique, ainsi que tout implant ou toute orthèse, prothèse ou autre aide suppléant à une incapacité de la personne;
- il concerne les services de santé ou les services sociaux offerts à la personne, notamment la nature de ces services, leurs résultats, les lieux où ils ont été offerts et l’identité des personnes ou des groupements qui les ont offerts;
- il a été obtenu dans l’exercice d’une fonction prévue par la Loi sur la santé publique (chapitre S‑2.2).
De tels renseignements constitueraient autrement des renseignements personnels et, dans la plupart des cas, des renseignements personnels sensibles, en vertu des lois sur la protection des renseignements personnels du Québec. Le projet de loi no 3 accorde également au gouvernement du Québec le pouvoir d’adopter des règlements qui définiraient d’autres caractéristiques des renseignements de santé et de services sociaux.
Le nom, la date de naissance, les coordonnées ou le numéro d’assurance-maladie d’une personne constitueraient également des renseignements de santé et de services sociaux si :
- ils sont accolés à un renseignement concernant l’état de santé physique ou mentale d’une personne et à ses déterminants de la santé, y compris ses antécédents médicaux ou familiaux; ou
- ils sont recueillis en vue de l’enregistrement, de l’inscription ou de l’admission de la personne concernée dans un établissement ou de sa prise en charge par un autre organisme du secteur de la santé et des services sociaux.
De plus, le projet de loi no 3 exclut de la définition de renseignements de santé et de services sociaux les renseignements qui concernent un membre du personnel d’un organisme du secteur de la santé et des services sociaux ou un professionnel qui y exerce sa profession.
Mémoire de la Commission
Dans l’ensemble, la Commission salue le travail « colossal » que le législateur québécois a fait afin d’encadrer juridiquement la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements de santé et de services sociaux au Québec. Toutefois, elle estime qu’il faut assurer une plus grande cohérence avec la récente réforme législative découlant de la Loi 25, qui a modifié les lois sur la protection des renseignements personnels du Québec dans les secteurs public et privé. La Commission soutient également que les dispositions proposées dans le cadre du projet de loi no 3 sont démesurément favorables aux organismes qui traitent des renseignements de santé et de services sociaux et encouragent une utilisation et une communication maximales de ces renseignements.
Voici les recommandations les plus notables de la Commission :
- Exiger des organismes qu’ils fournissent des renseignements supplémentaires au particulier au moment de la collecte de renseignements;
- Limiter ou préciser davantage les utilisations des renseignements de santé et de services sociaux permises par la loi;
- Limiter les exceptions à l’obligation générale d’obtenir un consentement clair, libre et éclairé de la personne dont les renseignements sont traités;
- Mettre en place un cadre plus détaillé concernant l’accès aux renseignements de santé et de services sociaux par les tiers fournisseurs de services;
- S’attaquer au risque d’incidents de confidentialité que soulève l’accès facilité à des renseignements sensibles ou retirer les dispositions permettant aux organismes de conserver des données anonymisées une fois le délai de conservation atteint ou de restreindre l’utilisation des renseignements anonymisés aux seules fins sérieuses, légitimes et d’intérêt public (voir la Loi 25);
- Clarifier l’intention du législateur et prévoir des mesures de protection supplémentaires concernant le système national de dépôt de renseignements proposé;
- Élargir et promouvoir les nouveaux droits au respect de la vie privée prévus dans le projet de loi no 3;
- Ajuster les pouvoirs de surveillance de la CAI, en cohérence avec ceux dont elle dispose en vertu des autres lois qu’elle applique, dont la Loi sur la protection des renseignements personnels du Québec, tout comme le niveau et la nature des sanctions prévues.
- Interdire la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements génétiques à des fins autres que médicales, scientifiques ou judiciaires.
La Commission craint que la circulation et l’utilisation accrues de renseignements de santé et de services sociaux en vertu du projet de loi no 3, dont les dispositions visent à permettre une plus grande utilisation et une meilleure circulation de l’information que ce qui est actuellement permis par le nouveau cadre de protection des renseignements personnels au Québec, ne portent atteinte aux droits au respect de la vie privée et au respect du secret professionnel sans le consentement clair, libre et éclairé des personnes concernées. Par conséquent, le Commission est d’avis que la portée du projet de loi no 3 devrait être clairement définie et limitée à ce qui est nécessaire pour atteindre ses objectifs.
Ce qu’il faut retenir
Le mémoire de la CAI pourrait amener le gouvernement du Québec à adopter des restrictions plus sévères quant à la collecte, à l’utilisation et à la communication de renseignements de santé, ainsi qu’à imposer des obligations supplémentaires aux organismes publics et privés qui sont responsables du traitement de tels renseignements. Les observations de la CAI concernant les restrictions supplémentaires à la conservation et à l’utilisation de renseignements anonymisés sur la santé sont susceptibles d’avoir une incidence non seulement sur les organismes du secteur public, mais aussi sur les entités du secteur privé qui s’associent à ces derniers pour mettre au point de nouvelles technologies et offrir de nouveaux soins de santé.
En attendant que des modifications soient apportées au projet de loi no 3, les organismes qui recueillent, utilisent, communiquent, divulguent ou stockent des données qui pourraient correspondre à la définition de renseignements de santé et de services sociaux aux termes du projet de loi no 3 devraient évaluer les façons dont elles traitent actuellement ces données et s’assurer qu’elles respectent les exigences relatives aux renseignements personnels sensibles imposées par les lois sur la protection des renseignements personnels du Québec.
Si vous avez des questions au sujet du projet de loi no 3 ou des lois sur la protection des renseignements personnels du Québec, veuillez communiquer avec Alexandra Quigley, avocate principale chez Dentons Canada S.E.N.C.R.L.
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